Une application du principe de précaution : des limites prudentes
La réglementation française fixe à 1 millisievert (mSv) par an la dose efficace maximale admissible résultant des activités humaines en dehors de la radioactivité naturelle et des doses reçues en médecine. Il s'agit de "doses corps entier". Pour les expositions d'un organe ou d'un tissu, on considère les doses équivalentes. Ainsi, les limites de doses équivalentes pour le cristallin et pour la peau sont fixées respectivement à 15 mSv/an et à 50 mSv/an.
La limite de 1 mSv/an concerne le public en général . Elle se compare à l’exposition moyenne hors radioactivité et médical qui est de 0,060 mSv/an en France, dont l’exposition au nucléaire qui préoccupe le public ne représente qu’une partie. Pour les personnes qui travaillent avec des radiations ionisantes, la limite est de 100 mSv pour un ensemble de 5 années consécutives, le maximum pour une année ne devant pas dépasser 50 mSv.
Limites annuelles d’exposition pour les travailleurs
Ces limites s’appliquent au total annuel des doses efficaces reçues. Il en va de même pour les total des doses équivalentes. Leur dépassement est en principe inacceptable. Ces limites prêtent cependant à confusion, car le fait que les expositions naturelles et médicales en soient exclues est généralement oublié ou omis.
Rappelons que la population française est exposée chaque année à une dose efficace par habitant de 3,7 mSv. Ces 3,7 mSv se répartissent en 2,5 mSv de radioactivité naturelle, 1,1 mSv d’origine médicale et 0,06 mSv de radioactivité liée aux autres activités humaines dont le nucléaire.
Une dose de 1 mSv est considérée en radioprotection comme une dose faible, voire très faible. La limite de 1 mSv/an peut sembler au premier abord trés supérieure à la moyenne annuelle des 0,06 mSv résultant des activités humaines une fois le médical exclu et plus encore aux 0,002 mSv de l’impact d’une centrale nucléaire.
Mais d'un autre côté, les expositions à la radioactivité naturelle et au médical varient considérablement d’une personne à l’autre. Ces variations, notamment du fait de diagnostics et de traitements médicaux, dépassent allègrement la limite imposée pour la troisième cause d’exposition ... Si l’on appliquait la limite de 1 mSv à ces deux causes, on ne pourrait pas subir un scanner, il faudrait renoncer à l'avion, abandonner l'alpinisme, ne pas habiter la Bretagne ou la Corse.
Les cellules de notre corps ne font pas la différence entre un rayon d’origine naturelle, médicale et celui d’une centrale nucléaire. Si les fluctuations de l’exposition d’une personne à l’autre dépassent 1 mSv du fait de l’habitat ou des diagnostics ou des soins qui prolongent nos vies, il semble artificiel de continuer à réduire la limite pour la troisième cause d’exposition qui est mineure en comparaison.
Au fil des ans les limites légales ont été beaucoup réduites. Faut-il les réduire encore au nom du principe de précaution ? On peut s'interroger sur l'intérêt de réduire les limites déjà très prudentes, étant donné que sont exclues les expositions naturelles et celles dues aux diagnostics médicaux. L'effet des faibles doses n'est pas prouvé et, s'il existe, la réduction des doses du troisième type diminuerait beaucoup moins le nombre de cancers qu'une amélioration par exemple de la radioprotection dans le diagnostic médical.
Le principe de limitation en cas d'accident radiologique
Il faut enfin prévoir des mesures de radioprotection exceptionnelles de la population en cas d’accident ou d’urgence radiologique. Des actions et des contre-mesures sont mises en œuvre en fonction de la nature et de l’importance de l’exposition. Dans le cas d’accidents nucléaires, des niveaux d’intervention exprimés en termes de doses servent de repères aux pouvoirs publics pour décider, au cas par cas, des actions à déclencher :
– la mise à l’abri, si la dose efficace prévisionnelle dépasse 10 mSv ;
– l’évacuation, si la dose efficace prévisionnelle dépasse 50 mSv ;
– l’administration d’iode stable, lorsque la dose à la thyroïde risque de dépasser 100 mSv.
La réduction des doses et ces mesures doivent être mises en balance avec les effets adverses. A Fukushima, l'évacuation des populations a généré des traumatismes à l'origine de décès probablement plus nombreux que ne l'auraient été ceux dus à une exposition à la radioactivité.