Circonstances
Une industrie de fabrication de métal réalisait des gammagraphies avec une source d'ytterbium-169 dans une enceinte spécifique. L'enceinte et l'équipement de gammagraphie étaient détenus par l'entreprise mais les gammagraphies étaient effectuées par des sous-traitants.
Ce travail de radiographie présentait certaines caractéristiques particulières :
La gaine d'éjection devait être fortement courbé pour que la source soit dans une position d'exposition correcte. Un tube guide spécial a donc été fabrique en interne mais la force supplémentaire nécessaire pour déplacer le porte source dans le tube était trop importante pour le système automatique d'exposition. Les opérateurs éjectait donc la source manuellement ce qui ne permettait pas le déclenchement automatique des systèmes de sécurité installés dans l'enceinte de radiographie.
La capsule contenant la source était liée au porte source par un pas de vis et collée.
L'énergie du rayonnement et les débits de dose gamma de l'ytterbium-169 sont relativement faibles (145 keV moy. et 33,8 mGy/h à 1 m pour 1 TBq) : le débit de dose au contact du container (en uranium appauvri) est le même, que la source soit présente ou non. Pour obtenir des radiographies de bonne qualité, l'extrémité du tube guide a été modifiée pour permettre à la capsule contenant la source de dépasser à l'extérieur.
L'enceinte de radiographie disposait d'une alarme qui bipait lors de l'émission de rayonnements mais en cas d'éjection manuelle, elle devait être mise en marche par les opérateurs et n'était donc pas souvent utilisée. De plus, même en mode automatique, l'alarme ne sonnait pas quand la source était à l'intérieur de la pièce radiographiée.
Le jour de l'incident la colle fixant le joint fileté a cédé. Quand la source a été éjectée le long de la partie courbée du tube guide, les forces de rotations ont été suffisantes pour que la capsule contenant la source se dévisse du porte source.
Suite à la dernière radiographie, l'opérateur a rentré le porte source mais la capsule contenant la source est tombée du tube guide à l'intérieur de la pièce radiographiée. L'opérateur a mesuré le débit de dose au niveau du container ; il a cru que la source était à l'intérieur malgré la valeur du débit de dose correspondant à un container vide et a ramené le container au magasin. L'opérateur a noté que le voyant du container est passé de rouge à vert mais ceci est provoqué par le retour du porte source dans le container, que celui-ci soit complet ou non. L'opérateur n'a pas utilisé le débitmètre pour contrôler l'ambiance de l'enceinte.
La pièce a ensuite été amenée dans l'atelier de soudage. A la fin de leur poste, les soudeurs ont vérifié qu'il n'y avait aucun débris de métal à l'intérieur de la pièce et ont remarqué la capsule contenant la source qui ressemblait à une petite vis. Les soudeurs se la sont passés de mains en mains pour essayer d'identifier son origine ignorant qu'il s'agissait d'une source radioactive.
Les opérateurs de gammagraphie sont revenus plus tard et, en entrant dans l'atelier de soudage, certains de leurs dosimètres personnels se sont déclenchés. Cependant, les opérateurs ont considéré ces alarmes comme non justifiées et les ont ignorées. Certains des opérateurs de gammagraphie ont également pris la source en main pour l'identifier. Un radiamètre a finalement été utilisé ce qui a révélé que c'était une source radioactive. A ce moment-là, la pièce a été évacuée et la source récupérée sans incident supplémentaire.
Conséquences radiologiques
Les autorités de contrôle nationales ont mené une enquête sur l'incident. Une première estimation a indiqué que les doses reçues aux mains atteignaient 16 Sv et les doses corps entier 5 mSv. Aucunes réactions tissulaires n'ont été observées suite à l'incident et les doses aux mains ont été ensuite réévaluées à maximum 2 Sv.
L'enquête a conclu que les doses reçues auraient pu être bien plus élevées. Les soudeurs avaient l'intention de sortir la source de l'installation et la montrer à d'autres employés pour aider à l'identifier. Si cela était arrivé, un plus grand nombre de personnes aurait pu être exposé.
Les soudeurs n'étaient pas des travailleurs exposés et n'étaient pas formés à la radioprotection, certains ont été très inquiets suite à l'incident.
Leçons à tirer
L'entreprise a été poursuivie pour n'avoir pas effectué une évaluation adaptée et suffisante des risques radiologiques pour les travaux de radiographie. Une évaluation des risques auraient identifiée que :
Les courbes ajoutées par l'entreprise au tube guide ne correspondaient pas aux spécifications du fabricant ; le fait de forcer manuellement lors de l'éjection du porte source a eu des conséquences qui n'avaient pas été étudié.
Le fait d'éjecter le porte source manuellement ne permet pas de déclencher les systèmes de sécurité installés.
La déconnexion de la source était prévisible et l'utilisation d'un tube guide avec une extrémité ouverte n'était pas adaptée.
Le système d'alarme signalant une émission gamma n'était pas suffisant pour détecter une source d'ytterbium-169 décroché à cause du composant contrôlé qui fait écran.
Le contrôle réalisé à l'extérieur du container ne fournit pas une indication fiable sur la présence de la source.
Une autre leçon peut être tiré concernant le fait que les opérateurs de gammagraphie n'ont pas reconnu immédiatement la capsule contenant la source lorsqu'ils l'ont eu en main alors que l'entreprise dispose de capsule factice pour des démonstrations. Tous les opérateurs de gammagraphie devraient pouvoir reconnaître les capsules contenant les sources et l'information devrait également être donnée aux autres employés qui peuvent être en contact avec les sources comme les soudeurs.
En France, l'entrée dans l'enceinte doit s'effectuer avec un radiamètre.